Ogilvy est l'une des agences de communication et de marketing les plus brillantes de notre époque.
D'ailleurs, l'une de leur publicité les plus célèbres leur a rapporté un prix en 2000 : le "Gold Effie", un espèce d'Oscar de la publicité.
Au passage, cette campagne est également responsable de l'une des plus grandes arnaques climatiques de ces dernières années.
C'est à la fois une leçon de marketing... Et d'éthique.
Comment rendre l'industrie du pétrole plus responsable
En 2000, l'entreprise BP s'inquiète de son image auprès du public et engage Ogilvy pour réaliser une campagne de communication.
Grâce aux marketeurs de génie embauchés par Ogilvy, British Petroleum devient Beyond Petroleum ("au delà du pétrole").
Tu sens venir l'arnaque ?
La campagne vantait les efforts de BP dans le secteur des énergies renouvelables et a surtout rendu populaire un terme que l'on a tous en tête aujourd'hui :
L'empreinte carbone.
Le terme n'a pas été inventé par Ogilvy mais par William Rees, professeur d'écologie l'Université de Colombie Britannique au Canada.
Ogilvy a repris le terme et l'a rendu tellement populaire que plus personne ne sait d'où il vient.
Oui, c'est ce qu'on appelle un très bon "swiping".
De l'art de se dédouaner de ses responsabilités
Le concept d'empreinte carbone correspond à l'impact qu'a ton mode de vie sur l'environnement... Et c'est précisément pour ça que BP en est fan.
En popularisant ce terme, la deuxième plus grosse compagnie pétrolière de la Planète réussit à faire croire que la responsabilité du changement climatique repose sur les individus et non pas sur les entreprises et les institutions.
En 2004, BP met en ligne un calculateur d'empreinte carbone sur son site web pour aider la population à comprendre comment son mode de vie actuel impactait le climat.
La première année, 300.000 personnes ont utilisé ce calculateur.
À partir de là, l'empreinte carbone est devenue LE terme clé du réchauffement climatique.
Il suffit de regarder la courbe de recherches Google pour ce mot clé pour s'en convaincre :
Niveau détournement d'attention, même les magiciens ne font pas mieux.
Parce que tu t'en doutes : les engagements écolos de BP n'existent que dans les campagnes d'Ogilvy.
Pendant que BP produit 3,8 millions de barils de pétrole PAR JOUR, nous sommes tous occupés à nous demander s'il est bien raisonnable de manger un steak haché ce soir.
En 2006, le site web de BP nous disait qu'il était temps de se mettre à un régime bas-carbone :
12 ans plus tard en 2018, à peine 2% du budget de l'entreprise finançait des projets liés aux énergies renouvelables.
Si ajouter 2% de légumes à un Big-Mac suffisait à en faire un plat équilibré, ça se saurait.
Le marketing a sa part de responsabilité
Que l'on soit clair : les actions individuelles ont leur rôle à jouer pour résoudre la crise climatique.
Par exemple, certaines études ont démontré que si tu achètes une voiture électrique et installes des panneaux solaires sur ton toit : tes voisins seront plus tentés d'en faire de même.
De même, arrêter de manger de la viande rouge crée créer des discussions à table et peut susciter des changements.
L'écologie est contagieuse paraît-il.
Mais ça ne suffit pas.
Les chercheurs du MIT ont calculé l'empreinte carbone d'un sans-abri mangeant à la soupe populaire et dormant dans des refuges.
Le résultat ? 8.5 tonnes de CO2 émises chaque année de manière indirecte, tant notre vie actuelle dépend de l'industrie pétrolière.
Le génie de l'empreinte carbone est qu'elle nous donne l'impression d'avoir le contrôle sur la crise climatique...
Tout en permettant aux principaux responsables de se retirer du débat.
Et ça ? On le doit à quelques copywriters d'Ogilvy.
En 2006, John Kenney, l'un des responsables de la campagne BP à l'époque disait ceci :
"En y repensant aujourd'hui, 'Beyond Petroleum' n'est que de la publicité. C'est devenu purement marketing, mais peut-être que ça l'a toujours été, au lieu d'être un effort sincère pour créer un débat sur le sujet ou d'inciter le reste des entreprises à changer de paradigme.
Ils ne sont pas allés au delà du pétrole : ils sont le pétrole".
Rien de tout ça n'était sincère. BP le savait et Ogilvy aussi.
Sans doute qu'il était plus simple de fermer les yeux sur les conséquences d'une telle campagne en 2004 qu'en 2022.
Mais justement : cette histoire est un rappel.
Tu as une responsabilité et un rôle à jouer en tant que professionnel de la communication et du marketing.
Tes mots peuvent avoir un impact. Peut-être pas aussi énorme que ceux des salariés d'Ogilvy, mais un impact quand même.
Ce que tu tapes sur ton clavier peut devenir le nouveau slogan d'une entreprise, puis une nouvelle manière de penser un sujet pour une communauté.
Que tu opères avec des clients sur le marché de la santé, de l'écologie ou du business...
Tes textes influencent les personnes qui vont les lire.
Tout comme les copywriters d'Ogilvy ont leur part de responsabilité sur les conséquences de leur publicité géniale : tu n'as pas le droit de dire que tu ne savais pas.
A très vite,
Sami
Sources :
https://mashable.com/feature/carbon-footprint-pr-campaign-sham
Merci, excellent article 😲